ARTISTES-AUTEURICES D’OCCITANIE, APPRENEZ AVEC UN BÛCHERON À SCIER LA BRANCHE SUR LAQUELLE VOUS ÊTES ASSIS
Billet à lire également sur notre blog Mediapart.
L’agence régionale du livre d’Occitanie (Occitanie Livre et Lecture – OLL, à présent intégrée à l’agence pluridisciplinaire « Occitanie culture ») propose les 30 et 31 octobre prochains une formation intitulée « IA & Création ».
PUBLIC : les auteurices, illustrateurices et scénaristes BD
PRÉ-REQUIS : « disposer d’un compte (gratuit ou payant) sur un ou plusieurs outils IA ».
OBJECTIFS : « Comprendre les principes fondamentaux de l’IA générative appliquée aux métiers créatifs ; savoir formuler des prompts clairs et adaptés à des intentions artistiques variées ; explorer concrètement l’usage d’outils IA pour le texte, l’image et la narration visuelle ; développer une posture critique face aux productions de l’IA (limites, biais, stéréotypes) ; expérimenter l’IA à travers un exercice ancré dans votre univers artistique. »
FORMATRICE : une « ambassadrice de l’IA » dans le cadre du plan national « Osez l’IA », lancé par le gouvernement cet été pour « accélérer la diffusion de l’intelligence artificielle (IA) dans toutes les entreprises françaises, et en particulier dans les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire ».
Une façon pour le moins originale de répondre aux inquiétudes des artistes-auteurices qui voient leurs métiers menacés par l’invasion d’une technologie reposant sur le pillage de leurs œuvres, avec une proposition de formation fondée sur des idées reçues fallacieuses et mortifères pour la création.
IDÉE REÇUE NO 1 – L’IA C’EST L’AVENIR, ne ratez pas le coche : le fatalisme
Le fatalisme face à l’IA provoqué par le matraquage quotidien (dans les médias, dans les cercles du pouvoir, dans les applications et logiciels sur nos téléphones et ordinateurs) est un parfait exemple de prophétie autoréalisatrice, qui pousse à la servitude volontaire souhaitée par les grandes entreprises d’IA. Avec cette formation, les artistes-auteurices sont encouragé·es à s’adapter en asservissant leur pratique, avant même qu’on le leur demande, à l’usage d’une technologie dont les résultats « bluffants » reposent en partie sur un pillage colossal de leurs œuvres. Cela, en raison de la diffusion future supposément généralisée de l’IA dans tous les domaines, de laquelle la personne qui dispense la formation est partisane. Dans la logique du « toujours plus, toujours plus vite, toujours moins cher » opérante dans nos sociétés, certain·es éditeurices sans scrupules recourent à l’IA pour se passer des créateurices : faut-il vraiment former les créateurices à répondre aux commandes de ces structures inscrites dans un processus qui, s’il se généralise, ne leur promet que perte de sens, baisse d’activité et de rémunération au profit de productions médiocres toujours plus nombreuses, lesquelles ne ressortissent en aucun cas à la création – même si un humain a rédigé les prompts et a amélioré le résultat ?
L’avenir est ce qu’on en fait, et si chacun·e déserte les innombrables usages inutiles de l’IA, celle-ci n’aura pas l’impact tant annoncé sur nos vies et nos activités.
IDÉE REÇUE NO 2 – L’IA IL FAUT SAVOIR COMMENT ÇA MARCHE, promptez, vous penserez plus tard : la connaissance technique
Puisque l’invasion de tous les secteurs de la société par l’IA est inévitable (cf. idée reçue no 1), il faut connaître son fonctionnement et le tester. Cette connaissance est devenue un prérequis exigé, tacitement ou pas, pour avoir voix au chapitre sur l’IA. Demande-t-on aux gens de comprendre le fonctionnement d’un obus pour avoir un avis sur la guerre ? Non. L’impératif de la connaissance technique, révélateur d’un mépris pour la pensée, laisse l’autorité dans le débat public à une poignée de technicien·nes peu soucieux·ses des questions d’éthique et des conséquences du développement de leurs trouvailles de savants fous, à la solde de quelques entreprises ultrapuissantes à l’idéologie notoirement fasciste.
La pensée sur l’IA n’a pas nécessairement besoin de connaissances techniques pour être pertinente.
IDÉE REÇUE NO 3 – L’IA A FORCÉMENT DES BIENFAITS SUR VOTRE ACTIVITÉ, servez-vous-en : l’utilité
Au nom de quoi les artistes-auteurices doivent-ils se former à l’IA ? Des exigences supposées du marché à venir, que l’on est en train de façonner nous-mêmes en nous précipitant sur cette technologie (cf. idées reçues no 1 et 2) ? En quoi l’IA est-elle utile pour un·e artiste-auteurice, alors qu’elle coupe à la racine ce qui fait l’essence de son activité : la créativité, et se sert illégalement des œuvres effectivement créées pour les singer ? Rédiger un prompt ne relève pas de la créativité : c’est déléguer à une machine la mise en œuvre d’une idée sous forme d’une mixture de données – dont beaucoup répètent les travers les plus odieux de la bêtise humaine – fondée sur la statistique.
Pour être acceptable, le résultat demande un énorme travail humain abrutissant et fastidieux, à la différence de la création, qui, elle, est stimulante et émancipatrice en ce qu’elle repose sur ce que les êtres humains ont de plus précieux et de plus singulier : la pensée et l’imagination.
OLL étant justement une agence dédiée à un lieu crucial de la pensée et de l’imagination, à savoir le livre, nous l’invitons donc à se détourner des idées reçues propagées par les promoteur·ices de l’IA pour servir leurs intérêts privés et à s’appuyer sur des faits documentés qui touchent à l’intérêt général. L’utilisation massive de cette technologie ravage la pensée et la créativité humaines, et sa prétendue magie repose sur l’exploitation forcenée des ressources de la planète et celle de millions de travailleuses et travailleurs du clic sous-payé·es.
